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L'ECOUTE INSTRUMENTÉE

’apparition du phonographe fut sans doute, à certains égards, le point de départ d’un nouveau type d’écoute : une écoute désinstrumentée, c’est à dire non informée par l’expérience et les formalismes d’une pratique musicale, la motricité de la main sur le clavier d’un piano ou de l’oeil sur la portée d’une partition. C’est ainsi qu’en 1880, le président de la commission de rénovation des enseignements musicaux préconisant le non-usage du phonographe, qui permettrait, selon lui, d’écouter la musique sans pouvoir l’entendre, mais en donnant l’illusion de l’entendre.

Or, le jazz, et bien d’autres traditions, de Bartok à l’ethnomusicologie en passant par l’électro-acoustique, virent dans le phonographe et le magnétophone , tout au contraire un élargissement de la capacité d’écouter et, à l’intérieur de cette écoute, d’entendre.

Le disque apparaissait ainsi comme l’instrument d’une écoute artificielle : il permettait de réentendre à loisir, de sélectionner, de comparer des moments disjoints ; il incitait à une appropriation active d’une musique devenue reproductible. Et cependant, le disque fut aussi la possibilité du développement d’une écoute incompétente, et le support évident du déploiement des industries culturelles reposant sur le schéma où l’auditeur, devenu consommateur, n’est plus un producteur.

Reste que depuis longtemps, le mélomane phonographiquement instrumenté n’est plus seulement auditeur. Il a la capacité d’explorer la musique qu’on lui propose, quelquefois guidé (depuis peu) par une représentation visuelle. Sa perception du temps, de la forme, n’est plus celle de l’écoute linéaire et ininterrompue du concert. Ce n’est plus le même objet qu’on lui soumet.

Et surtout, des outils plus puissants sont apparus, ou sont en cours d’apparition, conçus non seulement pour reproduire mais quelquefois pour reconstruire. Ils diversifient encore la palette de pratiques dont on ne saurait plus dire si elles sont de réception ou de production. Échantillonner, remixer, c’est un peu composer.

On examinera les conséquences de ces mutations pour l’auditeur-explorateur, pour le compositeur, pour le musicologue, en croisant les niveaux phénoménologique, social, technologique, et en imaginant le futur.

Entrée libre dans la limite des places disponibles
-  Date : Jeudi 17 octobre de 10h00 à 18h00. Table Ronde de 17h00 à 18h00.
-  Lieu : Petite salle du Centre Pompidou

Colloque co-organisé par l’Ircam-Centre Pompidou et l’Ina-GRM. Sous la responsabilité de François Delalande

Avec la participation de :

François DELALANDE
-  10h00 - 10h30
-  Responsable des recherches en sciences de la musique au Groupe de Recherches Musicales de l’INA
-  La musique est faite pour être entendue : peut-être, mais comment ?
-  Trois remarques peuvent introduire à une réflexion sur l'écoute instrumentée
-  1) Le débat se situe sur fond de « nouvelles technologies ». Pourquoi nouvelles ? parce qu’il existe une ancienne technologie de conservation, diffusion et d’invention musicales : l’écriture. La nouvelle fixe sur un support non la note mais le son lui-même, et le compositeur imagine la musique non face à un papier mais face à des haut-parleurs.
-  2) L’écoute attentive et linéaire que suppose le concert correspond à un moment de l’histoire de la réception musicale. A peine ce modèle s’était-il imposé comme référence que déjà les outils pour le détrôner apparaissaient : le disque, le studio comme instrument d’écoute, maintenant et bientôt une palette de dispositifs interactifs.
-  3) dès lors que la composition s’appuie sur l’écoute instrumentée, la distance entre faire et entendre, qui marquaient les pratiques sociales au milieu du vingtième siècle, s’efface.

Bernard STIEGLER
-  10h30 - 11h15
-  Directeur de l’Ircam, philosophe
-  Le paradoxe du phonographe – ou l’oreille désinstrumentée
-  Il est désormais notoire que l’apparition du phonographe a changé les oreilles, affectant leur histoire de façon majeure (ce qui s’inscrit dans une organologie à la fois physiologique, instrumentale et organisationnelle), et ouvrant des horizons musicaux inédits - de l’usage ethnomusicologique du gramophone à la musique électroacoustique, en passant par le jazz.

Cependant, au niveau le plus massif de ses conséquences, cette machine à écouter est ce qui a permis le développement des industries culturelles musicales : celles-ci apparaissent avec le phonographe, et s’en emparent précisément dans la mesure où il permet ce qui est indispensable à tout modèle véritablement industriel, c’est-à-dire permettant de faire des économies d’échelles : séparer production et consommation, c’est-à-dire, en l’espèce, faire en sorte que l’on puisse écouter de la musique sans avoir besoin d’en faire, ni donc d’en savoir faire, ce qui conduirait à une déqualification systématique de l’auditeur, ou à ce que Leroi-Gourhan nommait, dans le domaine de l’esthétique en général, une « perte de participation » : l’oreille phonographique du vulgaire serait ainsi fondamentalement désinstrumentée, privée autant d’yeux que de mains.

Telles seront mes hypothèses de départ : le phonographe aurait à la fois constitué une nouvelle époque de l'écoute (et par conséquent de la création) et une fin de l'écoute. Cela constitue une sorte de « paradoxe du phonographe » dont je tenterai d’approfondir les termes au moment où la reproduction numérique paraît ouvrir de nouvelles possibilités d’écoute.

Gérard Assayag Mikhail Malt
-  11h15 - 12h00
-  Une écoute informée
-  Les compositeurs spectraux ont généralisé le principe d'une extraction de paramètres musicaux significatifs à partir de données sonores. Ainsi le bruit d'une vague peut il contenir en puissance des micro-rythmes, des textures harmoniques. L'ordinateur peut effectuer pour une grande part ce transfert du continuum sonore vers l'organisation catégorielle de l'écriture instrumentale. De tels dispositifs (utilisant par exemple les logiciels Audiosculpt et OpenMusic)peuvent alors être considérés comme une simulation de l'écoute du compositeur.

Dans le domaine de l'analyse, une même démarche peut être empruntée. Ainsi, une musique du Tibet est elle transférée vers des systèmes d'annotation graphique et de maquettes visuelles (l'Acousmographe et OpenMusic) pour mettre en relief découpages et structures. Une écoute informée peut alors en être proposée.

Antoine HENNION
-  12h - 12h30
-  Directeur du Centre de Sociologie de l'Innovation, Ecole nationale supérieure des mines de Paris, Membre du Conseil scientifique du Musée de la musique
-  L'écoute comme compétence historique
-  Par rapport à une vision physiologique ou cognitive de l'écoute comprise comme une faculté du sujet, mais aussi par rapport à une vision esthétique réduisant l'écoute à une sorte d'envers passif de la musique, de réceptacle de l'¦uvre, il est important d'analyser l'écoute comme une compétence collective et historique, élaborée à travers de nombreux dispositifs matériels et organisationnels. Pour écouter de la musique, il faut avoir produit l'idée même que la musique s'écoute, en même temps qu'une posture et une attention spécifiques, il faut avoir entraîné les oreilles et les esprits, il faut avoir retaillé un répertoire sur ce modèle. L'avantage de cette façon de concevoir l'écoute comme un travail collectif ayant peu à peu produit à la fois des répertoires, des dispositifs et des écouteurs, c'est que, au delà des différences qui peuvent être analysées, la continuité entre les moments précédents de l'histoire de la musique et les possibilités présentes peut être soulignée. L'avènement du consommateur forgeant sa propre écoute à partir des techniques de manipulation électronique devient l'aboutissement individualisé d'un processus au long cours que, chacun selon leur format, l'édition papier, le concert du 19e et le disque ont contribué à faire émerger : la lente production de l'amateur de musique.

12h30 - 14h00 : Pause Déjeuner

Serge POUTS LAJUS
-  14h00 - 14h30
-  Expert auprès du Ministère de la Culture -Observatoire des technologies pour l'éducation en Europe
-  Composer avec son ordinateur - Nouvelles pratiques musicales des amateurs.
-  La disponibilité croissante d’ordinateurs et de logiciels puissants de traitement du son a permis à un nombre très important - certainement supérieur à 500 000 - d’amateurs, de se consacrer à la création musicale. A la demande du ministère de la culture et de la communication, un groupe de chercheurs, s’est intéressé, au cours de l’année 2001, à ces musiciens d’un nouveau genre, mal connus et dont la pratique se distingue radicalement de celle, habituelle, des amateurs, caractérisée par l’apprentissage d’un instrument et l’interprétation d’œuvres du répertoire. Ici, la composition d’œuvres nouvelles est, d’emblée, une pratique exclusive. L’étude explore, à partir d’entretiens approfondis avec trente musiciens amateurs, la variété des genres pratiqués (du rap à l’électroacoustique), les motivations et les facteurs de déclenchement, les modalités d’apprentissage et les étapes du processus de composition lui-même. L’étude s’attache enfin à repérer les enjeux artistiques et culturels liés à ces nouvelles formes de pratique musicale des amateurs.

Etude réalisée par Serge Pouts-Lajus, Sophie Tiévant, Jerôme Joy, Jean-Christophe Sevin, et coordonnée par Jocelyn Pierre.

Texte complet de l’étude et résumé téléchargeables sur le site de la Direction des Etudes et de la Prospective

Vincent MAESTRACCI
-  14h30 - 15h00
-  Inspecteur général de l'Education Nationale, groupe des enseignements artistiques, chargé de l'éducation musicale
-  L'Ecole à l'écoute, l'écoute à l'Ecole
-  L’écoute est une des activités principales de l’éducation musicale des élèves dans la formation générale obligatoire dispensée par l’éducation nationale. S’il s’agit de construire une intimité avec quelques œuvres et donner des repères tant esthétiques qu’émotionnels aux élèves, ce travail vise également à développer leur savoir-faire d’écoutant. Ce double objectif pour ancien qu’il soit s’est vu revivifié par l’émergence des moyens des reproductions électriques puis électroniques. Une brève histoire de la place de ces nouveaux outils technologies dans les programmes d’enseignement et les pratiques pédagogiques étayera une réflexion plus approfondie sur les enjeux actuels d’un usage systématique et approprié des technologie numériques. Ecouter avec attention ceux qui explorent le sonore et cherchent à en rendre compte assure l'Ecole d'approcher toujours davantage les objectifs ambitieux qui lui sont fixés.

La classe de musique est parfois un banc d'essai pour l'écoute instumentée et son prolongement créatif. On en trouve des échos et des résultats sur le site portail de l'éducation musicale dansl'Education Nationale. http://www.educnet.education.fr/musique/accueil/index.htm. La rubrique TICCE y traite globalement de cette question et permet d'accéder aux ressources et témoignages disponibles sur les sites "éducation musicale" des académies.

Guy REIBEL
-  15h00 - 15h30
-  Compositeur
-  Démonter et remonter les œuvres
-  La musique ne s’écoute plus seulement comme au concert. L’enregistrement l’amène à domicile où les conditions d’écoute ne dont plus les mêmes. On entre et on sort des musiques à sa guise. On commence et on arrête comme on veut, on recommence, on saute, on zappe, on circule dans l’œuvre avec une liberté qui n’existait pas aux siècles précédents. Aujourd’hui, l’homme musicien se promène librement dans la musique. Il se trouve que l’OMNI offre une forme de liberté d’accès et de circulation dans les œuvres par le jeu. Les bibliothèques d’objets musicaux utilisés pour constituer à chaque fois un programme de jeu sont soit créées spécifiquement, soit composées d’objets extraits d’œuvres existantes, « démontées » pour la circonstance. C’est de cette utilisation particulière qu’il s’agira dans cette présentation.

Cette pratique est décrite dans L’homme musicien. « Démonter les œuvres pour en extraire des motifs caractéristiques, des objets musicaux remarquables à la perception. L’ « omniste » va alors jouer librement ces motifs, passer de l’un à l’autre, les superposer, créer d’innombrables configurations… « Quel rapport avec l’œuvre, celle dont on a extrait ces objets ? Aucun, ou très indirect, en apparence, puisque la forme de l’œuvre n’est pas respectée. La continuité même de l’œuvre, le fil conducteur sont bouleversés. Au lieu d’avancer dans le temps comme le compositeur, l’omniste va et vient. « Et pourtant cet exercice, pour iconoclaste qu’il paraisse, est une manière de se frayer un chemin à l’intérieur d’une œuvre difficile à entendre, afin de mieux ressentir, par la répétition et l’imprégnation, la nature et la qualité des motifs, de les mémoriser. De les éprouver, par l’oreille et par le geste. »

Seront présentés et brièvement analysés des éléments extraits de la Sequenza pour hautbois de Luciano Berio et de Intégrales de Varèse, constituant deux programmes de jeu distincts.

François PACHET
-  15h30 - 16h00
-  Responsable de la recherche musicale chez Sony CSL
-  L'Ecoute Active : des boutons technologiques aux contrôles sémantiques
-  La notion d'écoute active développée a Sony CSL est fondée sur l'idée que la participation active de l'auditeur de musique permet d'envisager de nouveaux modes d'écoute qui peuvent enrichir l'expérience musicale, voire la rendre possible dans notre contexte actuel d'ultra numérisation. Le problème crucial que nous abordons est celui du contrôle : quels moyens d'action peut-on donner à l'auditeur pour que ses actions sur la musique écoutée aient un sens ?

Partant du constat que les moyens d'actions traditionnels sont déterminés par des contingences purement techniques, nous développons des moyens de contrôles dotés de sémantiques. Nous montrerons par exemple comment le système MusicSpace permet à un auditeur non-spécialiste d'engendrer des mixages interactifs sophistiqués à l'aide d'actions intuitives, voire naïves.

Dans le contexte de l'accès a la musique en ligne, d'autres moyens d'action sont nécessaires pour baliser l'espace de recherche et lui donner un sens, et nous montrerons certains prototypes en cours. Enfin, nous esquisserons de récents travaux qui ont pour but de combiner l'écoute avec le jeu instrumental, ouvrant ainsi la voie à de nouveaux modes du "faire de la musique".

16h00 - 16h30 : Pause café

16h30 - 18h00 : Table Ronde

-  La musique au futur : quelles pratiques sociales ? Quelles œuvres ? Quelle analyse ? Influencer ou suivre le mouvement ?

18h30 – Invité d’honneur : Douglas HOFSTADTER

-  Douglas HOFSTADTER est professeur de sciences cognitives et informatiques à l’Indiana University, auteur notamment de Gödel, Escher, Bach, les brins d'une guirlande éternelle (InterEditions, 1993, pour la version française
-  Le triste déclin du respect pour la musique
-  Thème diamétralement opposé à la thématique principale de la journée (l'écoute active et instrumentée), Douglas Hofstadter mettra l'accent sur l'"Ecoute Passive", à savoir, l'abus de la musique dans le contexte public, phénomène si répandu et pourtant si peu discuté ou même remarqué. Il analysera les enjeux de l'écoute ultrapassive, où, la plupart du temps, l'« écouteur » n'est même pas conscient de nager dans un environnement sonore, tandis qu'en réalité, ce bain sonore a été très assidument conçu notamment par des experts de marketing.

Entrée libre dans la limite des places disponibles
-  Date : Jeudi 17 octobre de 18h30 à 20h00.
-  Lieu : Petite salle du Centre Pompidou


Comité d'organisation