Cette pièce a été réalisée à l'Ircam avec le concours de Miller Puckette, conseiller scientifique et de Cort Lippe, assistant musical, a été créée le 15 juillet 1988 au Festival d'Avignon par Ichiro Nodaira, piano.
Pluton est la seconde pièce du cycle Sonus ex machina qui comporte Jupiter (pour flûte et ordinateur, 1987), La Partition du ciel et de l'enfer (pour flûte, deux pianos, ensemble et électronique, 1989) et Neptune (pour trois percussionnistes, 1991).
Pluton, composée en 1987, est le point de départ de tout le travail théorique que j'ai effectué à l'Ircam sous le nom de partitions virtuelles. Il s'agissait pour moi d'intégrer la dimension de l'interprétation à la musique de synthèse électronique.
Je me suis vite aperçu que cette recherche ouvrait la voie à un champ d'expérimentations qui dépassait de beaucoup l'objectif premier. L'interprétation ici n'est pas simplement une manière de produire un discours mais le modifie dans sa morphologie même. Cela signifie, qu'à certains endroits, les rythmes, les harmonies, les structures musicales sont déterminés en temps réel par la machine suivant la façon dont le pianiste joue la partition. C'est ce qu'évoque le nom de partitions virtuelles.
La partition électronique n'est pas totalement déterminée sur un support fixe (bande ou échantillons), seuls certains éléments sont prédéterminés. Pour réaliser ces partitions, la machine effectue une analyse de ce que joue le soliste et c'est la confrontation de cette analyse avec les éléments que j'ai composés dans la mémoire de la machine qui donne naissance à la musique.
Il ne s'agit en aucun cas d'une improvisation. La partition du pianiste est rigoureusement écrite. Mais chacun sait qu'une interprétation ne peut pas être prédéterminée avec une exactitude totale et qu‚elle est soumise à des aléas et des variations continuelles du tempo, des rythmes, des dynamiques, du phrasé etc. Demander à un pianiste de jouer piano ou forte n'est qu'une appréciation relative qui variera suivant le contexte, le choix de l'interprète, la manière dont il réagit lui-même à ce qu'il produit.
C'est cette marge de manoeuvre qui est détectée, analysée puis convertie en paramètre sonore et qui est à la base de cette nouvelle conception de la composition.
Pluton comporte cinq grandes sections :
1-Toccata, la partie soliste fondée sur des notes répétées, est entourée des transformations électroniques des sons du piano.
2-Antiphonie, dans laquelle, comme son nom l'indique, sont opposées des plages d'aspect contemplatif et une seconde toccata plus active. D'abord alternés, ces deux aspects vont entrer ensuite en confrontation l'un avec l'autre.
3-Séquences dans laquelle le piano engendre et contrôle tout l'environnement sonore qui réagit en fonction de données probabilistes.
4-Modulations où la qualité des sons de synthèse dépend d'une analyse acoustique des sons du piano.
5-Variations, débutant par une longue cadence très virtuose du piano solo avant d‚enchaîner sur un gigantesque final représentant une excroissance de la toccata du début. Cette dernière section couvre environ toute la seconde moitié de l' ?uvre.
D'abord écrite pour l‚ordinateur 4X, Pluton a ensuite été transcrite pour la Station d'informatique musicale de l'Ircam. Miller Puckette a écrit tous les programmes informatiques à partir de son logiciel Max dont c'était ici la première utilisation musicale.
Conçue pour une diffusion en six canaux, Pluton a été remixée, pour les besoins de ce disque, en stéréo. Un travail spécifique sur la spatialiation a été effectué afin de simuler les déplacements sonores qui sont ceux du concert.
Philippe Manoury, 1996(Extrait du livret du CD Ondine ODE 888-2) |